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Paysans-maraîchers dans…
une région très rurale, en nous ré-installant sur cette ferme bressane, nous nous sommes ainsi créé l’opportunité de produire des légumes Bio dans des parcelles assez vastes pour pouvoir y mener une agronomie Bio dite «extensive» (= très productive ET avec le minimum d’apports extérieurs). Une pratique qui consiste à valoriser les potentialités du milieu SIMPLEMENT. En lui laissant toute sa place !

Ce qui signifie que, contrairement aux systèmes maraîchers dits «bio-intensifs», au sein même de notre jardin (centre économique de la ferme et lieu d’activité principal de ses travailleurs) nous choisissons principalement ET en même temps :
- de ne consacrer qu’une partie de la surface totale du jardin à des planches productrices de légumes, au bénéfice d’engrais verts pluri-annuels, ET

- de «perdre beaucoup de place» pour garder un milieu très diversifié, potentiellement plus équilibré que si tout était jardiné «par la main de l’homme ou de la femme» (=artificiellement).

…un jardin bocager.
La parcelle de jardin est longée de haies de feuillus de pays en mélange. De grande hauteur et généreuse épaisseur. Principalement coté Nord (vents froids) et coté voisinage conventionnel (risques) mais pas que ! car le bocage «fonctionne» par maillage fermé pour mise en relation. Certaines haies étaient présentes à notre arrivée sur la ferme.

Et nous en avons planté plusieurs autres, parfois avec de petites aides publiques, mais aussi sans : notre région est assez peu favorisée sur ce sujet.

Ces haies sont composites : il y a un étage arbustif bas, un étage intermédiaire à recéper régulièrement. Et elles disposent d’assez de place pour que se développe un étage d’arbres de haut jet.
C’est un mélange d’une douzaine de feuillus de pays et de quelques petits persistants indigènes. L’entretien n’est pas de type «au cordeau» mais plutôt un travail «forestier doux» pour favoriser la biodiversité dans tous ses aspects.
…un jardin paysan.
Dans ce MILIEU que nous habitons pleinement, nous avons le souci de minimiser les impacts de notre activité productive en «abandonnant», dans le jardin lui-même, des parcelles dont nous (humains + légumes) choisissons d’être au maximum absents. C’est ainsi qu’à proximité des planches de légumes, une place importante est consacrée à :
- des surfaces en prairie permanente,

- des places sans entretien annuel, gardant donc ronce, ortie, etc… qui offrent nourriture et abri à une faune auxiliaire particulièrement recherchée en maraîchage,

- de grands arbres isolés

- des bordures des haies suffisamment peu entretenues de près pour garder des ourlets «tranquilles» au bénéfice de la diversité végétale et animale, etc…

- des places fauchées seulement tardivement pour obtenir des végétaux mûrs (à tiges creuses) qui sont gardés sur place.

- Les «basses» typiquement bressannes, modelées par le travail des générations précédentes pour lutter contre les excès d’eau stagnante de nos régions humides, sont conservées de manière à garder leur rôle assainissant et à valoriser leur fonction de lieu semi-humide.
- Dans les petits fossés, nous creusons des parties plus basses que leur évacuation pour obtenir des mini-mares enrichissant le milieu en batraciens.
- Un bassin de rétention d’eau au volume conséquent a été installé pour gérer les précipitations concentrées par le quadri-tunnel. Il se remplit lors des orages, et seul le trop plein est évacué. Évaporation et percolation en profondeur font baisser le niveau, laissant du volume pour accueillir les eaux de l’orage suivant.

La création d’une cunette a été l’occasion d’y apporter un beau volume de caillou uniquement de gros calibre, ce qui permet «en même temps» d’y circuler sans provoquer ornière ou érosion, et de créer un autre milieu, très sec. Tout ce système permet là aussi d’augmenter la biodiversité présente au jardin.
…un jardin intégré.
Plutôt que vers la création d’un îlot de culture bio très intensive et gorgé de matière organique importée en masse, notre pratique agricole est orientée vers une recherche d’harmonie entre la production de légumes Bio de saison et l’organisme agricole dans lequel ils poussent.
Un jardin en plusieurs blocs…
Dans tout le jardin sont répartis plusieurs ensembles de culture.

Leur taille est bien sûr fonction de la topographie des lieux.

Pour les desservir, de larges allées enherbées permetttent le transport confortable des récoltes en tracteur avec benne portée, mât lève-palette ou remorque plutôt qu’à la brouette trimballée manuellement (au détriment du dos du travailleur).

Cette place en bout de planche facilite aussi des manoeuvres aisées et rapides lors du travail du sol.
Pour passer d’un ensemble à l’autre, des allées aident aussi à intégrer au mieux le jardin dans le milieu.

Toutes ces allées l’enrichissent en biodiversité car elles ne sont pas entretenues «à ras» partout - genre tondeuse à gazon détruisant faune et diversité végétale - mais selon le principe de la «fauche alternée», ce qui permet ici aussi la cohabitation de végétaux fraîchement coupés avec d’autres plantes en cours de végétation, voire des tiges mûres.
Cette biodiversité contribue à maintenir les populations d’insectes présentes en leur offrant, en permanence, le gîte et le couvert - sans destruction - ainsi que des couloirs de circulation.
Des groupes de carrés.
Chacun de ces ensembles est divisé en carrés de culture, plus ou moins nombreux selon la surface du bloc.

Tous les carrés ont la même surface, et les mêmes largeur et longueur, ce qui facilite énormément la gestion du plan de production, de la rotation (et de la «quincaillerie» !). Les carrés sont séparés les uns des autres par une bande fleurie permanente, en place pour plusieurs années avant renouvellement.
C’est une précieuse source de biodiversité qui facilite l’installation pérenne des auxiliaires et leur action au plus près des légumes : à l’intérieur même de chacun des carrés. Il nous semble que cela permet de maintenir les parasites à un niveau tout à fait supportable sans recours régulier aux insecticides bio mais pas toujours parfaitement sélectifs.

- Longueur et largeur des carrés ont été choisies pour être un multiple des portées des arrroseurs. Le carré est donc une unité d’arrosage.
- Une seule famille botanique de légume compose la culture d’un carré. Le carré est donc une unité de rotation.
Des carrés de 16 planches.
Au sein de chaque carré, 16 planches sont mises en culture en fonction du planning de production.
Nous menons sur chaque planche permanente une seule récolte par année. Exceptionnellement (et au maximum) deux. Ce choix, volontairement extensif lui aussi, nous donne le temps des faux semis et occultations… indispensables pour lutter préventivement contre les adventices,

Cela nous permet d’avoir ensuite des cultures subissant une faible pression des adventices après la levée du légume, ce qui en facilite l’entretien ultérieur,

et aide le légume à mieux se développer,

sans herbes concurrentes jusqu’à la récolte.

Ce choix nous donne aussi le temps de cultiver des engrais verts systématiquement,

avant ou après le légume, en culture dérobée

ou en culture hivernée de mélanges résistants au gel.

Ce choix donne temps nécessaire à l’activité microbienne pour les assimiler après incorporation et travail du sol.

Chaque légume est cultivé selon ses exigences propres, le plus souvent sur deux rangs

ou trois rangs par planche.

ce qui apporte une bonne aération naturelle entre chacun, donc participe à la prévention de l’apparition des maladies. Jamais en haute densité !

Respectueux de la terre comme des exigences des légumes, et refusant donc les techniques mécaniques intensives, notre travail du sol en préserve la structure par évitement des outils rotatifs animés pour les préparations de sol, au profit d’outils à dents adaptés : outils peu violents + suppression des risques de lissage et déstructuration.

La terre de la planche dans laquelle pousseront les légumes n’est jamais matraquée par la roue du tracteur ni piétinée par le Biau Jardinier : car nous travaillons en «planche permanente», technique dans laquelle nous nous sommes lancés, avec autant de pasion et bonheur que de «tâtonnements :-))» progressivement dès le début de ce millénaire.

La planche est l’unité de commercialisation : elle détermine le nombre de paniers que nous pouvons faire chaque semaine, sur toute l’année.

Et des tunnels.
Nous vendons quasiment toute notre production en paniers à des personnes qui s’engagent annuellement par abonnement avec une attente évidente : manger toute l’année… Il est donc équitable que nous soyons capables de leur fournir des paniers copieux (et attrayants !) toute l’année, y compris de janvier à mai : nous ne sommes donc pas des intermittents du maraîchage !
Alors nous nous sommes équipés en locaux et techniques de conservation adaptés à la gamme de légumes, et nous cultivons aussi sous tunnels de façon à produire pour nos abonnés :
- en hiver plus de diversité en légumes feuille (cote de bette, mâche, mesclun et autres salades, épinard)
- au printemps une gamme étoffée et assurée de cultures hivernées et de primeurs : bottes de radis, carotte, oignon blanc, navet ainsi que chou pointu, fève, ail frais, pomme de terre nouvelle, chou-fleur, fenouil, etc…
- en été automne l’ensemble des légumes-fruits, dont la production est échelonnée et sécurisée sous les abris.

Nous cultivons ainsi quarante ares sous une quinzaine de tunnels. Pour un climat équilibré, tous sont équipés d’un système d’aération latérale, ce qui aide à limiter les maladies. Chaque tunnel est un ensemble de quatre planches permanentes.
- Les plus anciens, achetés d’occasion dans les années 80, ont été améliorés plus tard par un système facilement réglable d’aération latérale.

- Les plus récents, installés par Matthieu à partir de 2016 sont à bords droits, ce qui facilite le travail et limite les entrées de pluie sources de maladies.

- Et c’est un quadritunnel qui a été mis en production en 2020, offrant 16 planches supplémentaires.
Nous pratiquons la même agronomie sous tunnels et en plein champ :
- tous les tunnels sont de même longueur et cultivés eux aussi en planches permanentes,

- la rotation comporte des engrais verts,

- nous transformons les bordures en bandes fleuries refuges pour insectes auxiliaires indigènes.

Une rotation extensive.
Parmi tous nos carrés disponibles au jardin, seulement 60% sont cultivés en légumes, ce qui signifie donc que 40% sont en engrais verts pluriannuels, à base de luzerne, en place pour généralement trois années consécutives (avant d’être à leur tour cultivés en légumes). Ce sont des mélanges très diversifiés, que nous avons mis au point au fil du temps par observation, échecs et tâtonnements successifs.

Grâce à ce cycle de retours réguliers d’engrais verts, le choix agronomique de «toute cette place perdue pour des légumes» permet de lutter préventivement contre l’apparition des problèmes dits de «fatigue des sols» qu’amènent par système les méthodes maraîchères intensives à l’ancienne basées sur la succession rapide des cultures de légumes (avec retour au même endroit trop rapide des familles botaniques les plus cultivées, par ex cas des brassicacées aggravé par la spéculative culture de mesclun) conduites à forte densité, donc à très faible écartement, l’apport en très grosse quantité de fertilisants organiques extérieurs à la ferme etc… Ces «méthodes» avaient montré en leur temps leur absence de résilience… mais elles font pourtant - en ce moment du moins car «répondant» à la faible accessibilité du foncier - le buzz !

Ces engrais verts en mélange apportent grâce à la seule énergie solaire donc naturellement - et ainsi gratuitement de tout point de vue - ameublissement du sol en surface et fissuration en profondeur, fertilisation notamment azotée, matière organique auto-produite, activité microbienne, biodiversité végétale comme animale, abri et multiplication des insectes auxiliaires de nos cultures, rupture du cycle des parasites et maladies des légumes, etc…

Tout cela en auto-production par la ferme elle-même. Selon leur ancienneté, la saison, la façon dont ils ont été entretenus, l’historique météo, etc… la composition des engrais verts pluriannuels évolue au fil du temps, ce qui est aussi un facteur de biodiversité, donc d’équilibre dans la vie du jardin.

C’est une pratique agronomique garante de durabilité, et qui conforte grandement notre autonomie. Plutôt que comme des exploitants intensifs, nous nous considérons comme des paysans intégrés sur une ferme (= sur un sol et dans un lieu), que nous valorisons tels qu’ils existent, un terroir, un territoire humain.

Il nous semble que ce système extensif paysan équilibré et autonome que nous pratiquons permet d’assurer à long terme la fertilité du jardin et la qualité de ses produits. Ainsi que notre revenu de travailleurs paysans ! Donc la pérénnité de la ferme car notre but est non seulement d’y vivre décemment par une production alimentaire de qualité biologique, mais aussi sa transmissibilité… en bon état !
